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Banaï : une aventure musicale de Shiraz à Jérusalem

Plus la peine de présenter le musée de la Tour de David, qui marque l’entrée de la vieille ville de Jérusalem. Présentant de nombreuses collections sur l’histoire de Jérusalem, il est un des musées les plus innovants du pays avec en son sein un laboratoire de nouvelles technologies qui lui permet de développer et de présenter différentes visites utilisant les dernières techniques de réalité virtuelle et augmentée. Depuis plusieurs années, le musée présente aussi des expositions thématiques sur Jérusalem : à travers des photos, sur le Mont du Temple etc…. Voilà longtemps que ses responsables cherchent à monter une exposition qui ferait le lien entre la musique et Jérusalem. C’est chose faite depuis quelques semaines avec la très belle exposition : Banaï ; une aventure musicale de Shiraz à Jérusalem.

Pour l’immigrante que je suis, le nom Banaï est effectivement lié à la musique avec plusieurs chansons entendues régulièrement à la radio et interprétées par un ou l’autre chanteur du nom de Banaï. Mais pour les israéliens de plus longue date, le nom Banaï n’est pas uniquement lié à l’univers musical mais aussi à celui du théâtre et du cinéma. Alors pourquoi ne pas raconter l’histoire récente de Jérusalem à travers l’aventure des membres de la famille Banaï, venus s’installer à Jérusalem en 1881.

Les premières vitrines de l’exposition sont consacrées à la vie juive en Iran, pays d’où sont originaires les Banaï. Ils habitent à Shiraz. Dans cette ville, les juifs sont des poètes, des musiciens ou des acteurs En effet, le régime interdit aux musulmans de faire de la musique ou de jouer au théâtre, alors les juifs prennent le créneau. On ne compte pas moins de 3 magasins d’instruments à Shiraz et dans la ville, comme ailleurs en Iran on entend de la musique juive, des piyutims. Dans la tradition perse, certains personnages juifs comme Esther ou Joseph sont très présents et pas seulement chez les juifs. Cette tradition veut d’ailleurs que les juifs perses descendent de Cyrus le Grand, fils de la reine Esther et d’Asuerus. Mais voilà, un chabat de 1881, Rachamim Bana et sa femme Rachel décident de faire leurs valises et de partir avec leurs jeunes enfants pour Jérusalem.

 

Le voyage se fait à pied et en bâteau et au bout de 6 mois, ils arrivent à Jaffa, porte d’entrée de la terre promise. De là ils arrivent à Jérusalem…. mais déchantent rapidement. La vieille ville est surpeuplée, ni les juifs ashkénazes, ni les juifs sépharades qui s’y trouvent ne les accueillent. Ils s’installent donc à l’extérieur des murailles, certains disent même qu’ils habitent dans de vieilles tombes. Et de là commence leur aventure à Jérusalem. Celle ci est représentée dans l’exposition de part et d’autre d’une allée centrale, symbolisant la rue Yaffo, l’artère principale de Jérusalem.

   

Les Bana hébraisent leur nom et deviennent les Banaï, qui veut dire en hébreu comme en perse constructeurs. C’est eux qui construisent entre autres Mahané Yéhuda. Meir Banaï s’y installe et y tiend un commerce de fruits et légumes On dit d’ailleurs qu’il joue du oud et que la musique et les histoires qu’il conte ont bercé ses petits et arrières petits-enfants qui sont devenus des chanteurs et acteurs connus comme Yossi Banaï son petit-fils qui est le premier à se lancer dans une carrière artistique. Beaucoup sont d’ailleurs chanteurs / acteurs / producteurs. Si vous vous souvenez du film  » Les patriotes  » de Eric Rochant avec Yvan Attal, Yossi Banaï jouait le patron du Mossad. Dans la famille Banaï les artistes se nomment Yossi, Haim, Yaacov, Gavri, Yuval et aux générations suivantes Ehud, Meir, Evyatar, Orna et d’autres encore.

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Bachora etMeir Banai et leur fils Shmuel-Jerusalem-1915.-Yad-Izhak-Ben-Zvi-Photographic-Archives
 

L’exposition suit donc tout à la fois le développement de Jérusalem, de la période Ottoman à celle de l’indépendance jusqu’à aujourd’hui, tout en racontant en parallèle l’histoire de la famille Banaï et son influence sur la culture israélienne moderne. A travers des obejts, des photos mais surtout des films et des témoignages, on suit le développement économique et culturel de la ville. Le développement du cinéma avec le Cinéma Zion qui passe des films auxquels ont participé certains membres de la famille Banaï. Ils font également les beaux jours du Suramello’s Cellar Club dans lequel ils racontent des histoires. Et bien sûr, ici et là on les retrouve lors de spectacles filmés en direct ou des shows télévisés.

Bref l’histoire de la famille Banaï se confond et s’enrichie de l’histoire des 100 dernières années de Jérusalem. Leur influence dans la culture israélienne a vraiment pris un tour important à partir des années 1960, date depuis laquelle, il y a toujours un ou plusieurs Banaï sur le devant de la scène musicale ou théâtrale. Mais l’intéressant c’est qu’ils ont tous gardé un lien très fort avec la famille et la tradition perse même si chacun s’exprime dans des styles très différents et notamment musicalement parlant.

 

A la fin de l’exposition, on ressort le long des murailles intérieures de la Tour de David, où sont suspendus des portraits et affiches. Et on pénètre à nouveau dans une salle, arrangée à la façon d’un bar/salle de spectacle. Et là sur grand écran, pendant environ une demie heure, on a le droit à un concert des différents chanteurs de la famille Banaï, entrecoupé de courtes interviews. Ne partez pas sans avoir entendu Yossi Banaï chantait  » אהבה בת עשרים  »  » un amour de 20 ans  » version israélienne de « la chanson des vieux amants » de Jacques Brel. Il a d’ailleurs produit tout un album de chansons de Jacques Brel.

  Toute l’exposition se visite avec des écouteurs qui vous permettent d’entendre la plupart des textes écrits sur les panneaux, ainsi que les différents films et interviews qui accompagnent l’exposition. L’audio est disponible en hébreu ou en anglais, les textes sont en hébreu, anglais et arabe. Et pour finir, quelques titres chantés par l’un ou l’autres Banaï et vous vous rendrez compte que vous aussi vous connaissez bien cette famille… Plus d’infos sur l’exposition et les activités proposées par le musée de la Tour de David sur le site : https://www.tod.org.il/ Yossi Banaï

  Ehud Banaï   Meir Banaï   Eviatar Banaï   texte : Valérie Cudkowicz – juillet 2020 photo de couverture : Yossi Banaï; crédit Nino Hananiah Herman