Yémen : de Sheba à Jérusalem

« Yémen : de Sheba à Jérusalem » est la nouvelle exposition du Musée des Pays de la Bible. Un voyage à la découverte du Yémen, appelé autrefois l’Arabie du Sud, et de ses liens avec Israël et les juifs. Les juifs du Yémen font aujourd’hui entièrement partie du paysage israélien mais rares ont été les expositions qui leur ont été consacré. Pas étonnant que ce soit dans ce musée que l’on en découvre une. En effet, le Yémen actuel fait partie « des pays de la bible » dont on parle ici – il en est même le plus éloigné d’Israël, 2400 km les séparent – et un des fondateurs du musée était lui-même d’origine yéménite.

yemen encensToute l’histoire des liens entre le Yémen et Israël commence autour d’un arbre … celui qui donne l’encens. En effet, dès les temps les plus reculés, cette région du globe, appelée l’Arabie du Sud et formée de différents royaumes, tire sa richesse du commerce de l’encens et de la myrrhe. Cette marchandise est la plus chère des denrées à l’époque des Grecques et des Romains. On brûle l’encens comme offrande à ses dieux et on utilise la myrrhe dans la confection d’huile, de cosmétiques voire de médicaments. C’est ainsi que l’on peut voir dans les vitrines, plusieurs exemples de brûleurs d’encens, souvent de forme carrée. Ces derniers se retrouvent aussi dans les fouilles effectuées en Israël, montrant la connection existante entre l’Arabie du Sud et le Royaume de Judée aux périodes du Premier et Second Temple. De plus, les visiteurs peuvent sentir l’odeur de différents types d’encens, spécialement reconstituée par la société  » Nishmat Hateva ».

Le commerce de l’encens est le lien qui unit très tôt ces deux contrées. L’écriture est aussi un dénominateur cyemen alphabetommun puisque chaque royaume d’Arabie du Sud a son propre alphabet, mais qui dérive du cananéen. On a d’ailleurs retrouvé de nombreuses tablettes décrivant le commerce entre ces deux contrées, les Nabatéens servant généralement d’intermédiaires. En Israël et notamment dans le Negev, de nombreuses poteries portant des inscriptions en alphabet d’Arabie du Sud ont également été découvertes.

Un autre lien très connu est celui de la reine de Sheba venant rendre visite au Roi Salomon à Jérusalem. Elle vient le mettre au défi, ayant entendu parler de sa grande sagesse. Elle lui apporte d’ailleurs de l’or et de l’encens en cadeau de bienvenue. Il n’y a pas de preuves scientifiques qui indiquent qu’une reine aurait régné sur une partie de l’Arabie du Sud à cette époque. Mais cela n’empêche pas les nombreuses légendes qui entourent la reine de Sheba et le fait qu’elle aurait même eu un fils avec le roi Salomon. Pour certains, ce fils ne serait autre que Nabuchodonosor, rendu célèbre par l’histoire de Hanoukka. Pour d’autres ce fils s’appellerait Menilik et serait devenu le roi de l’Ethiopie.

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crédit : Musée des Pays de la Bible

En l’an 25 avant notre ère, les Romains essayent de conquérir la région de l’Arabie du Sud. Parmi leurs troupes, des juifs venus d’Israël. Ce sont les premiers signes d’une présence juive dans cette région. Les différents royaumes d’Arabie du Sud évoluent au fil des conquêtes et des dominations. Au 1er siècle avant notre ère, le roi Himyar règne sur la région. Il y impose une religion monothéiste nettement influencée par le judaïsme. C’est le début du développement d’une vie juive au Yémen. Les contacts avec Israël restent forts puisque les juifs les plus influents se font enterrer en terre sainte. Yosef Dhu Nuwas sera le dernier roi juif de la région. Une rue porte d’ailleurs son nom à Jérusalem, non loin de Kikar Sion. Puis c’est l’arrivée de l’Islam à partir du 6ème siècle de notre ère. Les juifs restent en place mais deviennent des « dhimmi ». Ils sont protégés mais obligés de payer de très lourdes taxes et vivent une vie très difficile.

Beaucoup de juifs du Yémen travaillent dans le commerce ce qui leur permet de garder des liens étroits avec d’autres communautés de par le monde. C’est ainsi qu’ils adoptent à la fois des textes hébreux traduits en arabe, comme celui de la méguila, mais aussi les écrits de Maimonide et de certains poètes juifs espagnols. Cela ne les empêche néanmoins pas de développer leurs propres coutumes et leurs interprétations des textes de lois. C’est ainsi que les juifs yéménites ont encore aujourd’hui des traditions bien à eux dans la manière d’étudier et de vivre leur judaisme.

En 1872 l’Empire Ottoman prend le contrôle du Yémen. De nombreux juifs quittent alors le pays pour se rendre en Israël qui fait partie à l’époque du même empire. Après la Première Guerre Mondiale, les juifs du Yémen ne sont plus autorisés à sortir du pays pour se rendre en Israël. Cette interdiction sera levée à nouveau dans les années 1948 – 1950 et la majorité des juifs encore présents immigreront alors dans le tout nouveau état juif en construction.

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crédit : Naftali Hilger

Tout au long de l’exposition on peut admirer les superbes photos de Naftali Hilger, un photographe qui s’est rendu plusieurs fois au Yémen, entre 1987 et 1998. Il a photographié les derniers juifs qui se trouvaient là-bas, leur vie quotidienne, des sites impressionnants. Parmi toutes les photos, celle d’un homme qui lit un livre à l’envers. Il faut savoir que les juifs du Yémen n’avaient pas accès à beaucoup de livres en hébreux pour étudier. Alors dès leur plus jeune  âge, ils apprenaient à lire dans toutes les positions, à l’endroit, à l’envers ou de coté, afin qu’un maximum de personnes puissent suivre sur un seul livre.

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crédit : Naftali Hilger

L’exposition se finit sur quelques objets rituels et de très beaux bijoux, l’orfèvrerie étant un des métiers pratiqués par beaucoup de juifs originaires du Yémen. Prenez quelques minutes pour regarder la vidéo qui met en scène plusieurs personnes, dont l’actuelle directrice du musée, qui racontent leur rapport, souvent familial, avec le Yémen.

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crédit : Naftali Hilger

 

texte : Valérie Cudkowicz
février 2020

 

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