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Exposition Walter Benjamin : "petite histoire de la photographie"

Walter Benjamin est un philosophe juif allemand né en 1892 à Berlin qui fait partie de l’école de Francfort. Il a traduit notamment en allemand Proust, Balzac et Baudelaire. En 1933, il s’installe à Paris. Après le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, il veut s’enfuir en Amérique. Le 10 juin 1940, quelques jours avant l’arrivée de l’armée allemande à Paris, il quitte la capitale direction Marseille. De là, il passera clandestinement en Espagne. Mais arrivé de l’autre côté de la frontière, les gardes espagnols le préviennent qu’il sera remis le lendemain à la police française. Walter Benjamin se suicide durant la nuit. La valise qu’il avait emportée et qui contenait ses derniers écrits n’a jamais été retrouvée.

Si  cette histoire vous dit quelque chose, c’est que vous avez sans doute regardé au moins les deux premiers épisodes de la série netflix « Transatlantic ». En effet, un des personnages évoqués et qui  profite du réseau de résistance mis en place à Marseille, n’est autre que Walter Benjamin.

Mais l’exposition au musée d’Israël dont il est le « catalyseur » n’est pas liée à la télévision mais à la photographie. En effet, Walter Benjamin a écrit dans les années 1930 la « Petite histoire de la photographie », un essai qui parle de l’évolution de la photographie, d’un art presque « religieux » à une culture de masse. Son analyse de la photographie comme art et moyen de communication est basée principalement sur des albums présentés par de grands photographes, dont beaucoup de français, et sur lesquels il s’est basé pour écrire ses réflexions. Par chance, le musée d’Israël détient dans ses collections nombre de photos originales de ces photographes dont Walter Benjamin examine le travail. D’où l’idée de cette exposition.

vue de l’exposition avec le portrait de Kafka enfant – crédit Elie Posner

Pour Walter Benjamin, il existe trois phases dans l’histoire de la photographie : l’aura, la reproductibilité et la culture de masse.

L’aura

Pour Walter Benjamin, les premières photos transmettent une « aura ». Il s’agit d’une photo mais qui est plus qu’une image, un peu comme une « oeuvre d’art » . Elle raconte une histoire, un lieu. Elle est un moment unique. Il faut dire qu’au début de l’histoire de la photo, fin des années 1830, les photographes ne devaient pas juste appuyer sur un bouton. Ils étaient des techniciens qui devaient connaitre la chimie pour pouvoir fixer l’image qu’ils avaient prise. A cette époque, les photographes, comme les sujets photographiés, ne connaissaient pas vraiment l’impact, social, politique, culturel de la future photo qu’ils prenaient.

Hyppolyte Bayard (1801-1887), un des inventeurs de la photographie (et du 1er selfie)
La reproductibilité

Avec le développement de la photographie et sa popularisation, l’aura originale a disparu. Pour Walter Benjamin, la photographie devient plus « sociale » avec la mode des albums de photos de famille. Un exemple y est exposé avec les photos de Auguste Vacquerie et Charles Victor Hugo, le fils du célèbre Victor Hugo. Avant de s’exiler hors de France pour des raisons politiques, Victor Hugo décide de faire réaliser un album de famille avec les portraits de ses proches.

Mais la photographie devient aussi un objet social, avec la mode des portraits et surtout celle des cartes de visite. On va chez le photographe se faire tirer le portrait et on le distribue comme carte de visite.

La photo se développe aussi comme moyen de communication. C’est le cas des photos de Eugène Atget à qui on demande de photographier Paris avant les grands travaux de la fin du 19ème siècle. Il réalise ainsi près de 8000 clichés de statues, d’escaliers, de portes, de fontaines etc…Pour Walter Benjamin, ces photos, aussi belles qu’elles soient, ont perdu leur aura. Elles forcent le spectateur à voir des détails qu’il n’aurait peut-être pas vus dans la réalité.

La culture de masse

La troisième étape de l’histoire de la photographie est celle de la communication dans tous les sens. Elle permet désormais de classifier les activités humaines comme avec la série de métier réalisée par August Sander. Ou alors de faire avancer la science comme avec les photos de plantes de Karl Blossfeldt qui mettent en valeur certains aspects de la botanique qui n’apparaissent pas forcément à l’oeil nu.

Il y a beaucoup de photos bien sûr dans cette exposition. Certaines de parfaits inconnus et d’autres de personnalités comme Victor Hugo, Georges Sand ou Kafka enfant – portrait que Walter Benjamin trouve raté. Mais il y a aussi celles de photographes célèbres comme plusieurs de Man Ray réalisées au début des années 1930 sans appareil photo mais « imprimées » directement sur papier.

Ce qui est intéressant dans cette exposition – à part le fait de pouvoir voir des photos rares parmi les premières prises – c’est que les réflexions que Walter Benjamin développe dans les années 1930 sur l’évolution de la photographie sont encore bien souvent d’actualité. Il faut savoir qu’il ne porte pas de jugement de valeur sur le fait que la photographie ait perdu son aura originale. Il trouve même bien que cet art ou plutôt cette technique se soit développée et démocratisée. Mais il nous donne l’occasion de réfléchir sur ce que la photo est devenue aujourd’hui. Qu’aurait-il pensé de la mode des selfies et de l’omniprésence de l’image dans notre société?

Cette exposition est présentée au musée d’Israël. Plus d’info : מוזיאון ישראל, ירושלים (imj.org.il)


Photo de couverture : Portrait de Walter Benjamin par Germaine Krull, 1926 – crédit Musée d’Israël

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