Ce que vous verrez

Inutile de préciser que j’étais la seule à la séance qui dure un peu plus d’une heure. Une fois installé, les lunettes de réalité virtuelle sur le nez et le casque sur les oreilles, le voyage, intitulé  » La victoire de l’esprit » commence.

C’est le Rav Ysrael Goldwasser qui en est le guide. On le retrouve d’abord à Cracovie, à 60 km d’Auschwitz, un des berceaux de la vie juive en Pologne avant la Shoah. Il nous montre les traces qui restent de cette vie si riche, la Synagogue, le cimetière etc… Puis on part visiter le camp de concentration, avec son portail si distinctif et ses rails qui pénètrent dans l’enfer.

La visite se passe de nos jours. Elle a été filmée il y a quelques mois. Le camp est complètement vide. Seules quelques voitures circulent à l’extérieur des barbelés. Le Rav Goldwasser commence la visite sur les quais de déchargement des wagons blindés dans lesquels les Juifs venus de partout en Europe étaient entassés. Des photos d’archives en sur-impression donnent à son récit une dimension supplémentaire. Puis la visite continue dans un des blocs, à côté de la cuisine et bien sûr autour des salles de douches et des fours crématoires, tous détruits. Les histoires se suivent et ne se ressemblent pas. Mais l’accent est mis sur l’espoir, les actions héroiques, celles qui éclairent l’horreur d’une autre façon.

On se trouve véritablement dans le camp, on marche à côté du guide, on pénètre dans certains bâtiments. La réalité virtuelle permet de se tourner à 360 dégrès pour observer tout ce qui est autour de nous. J’avoue m’être bougée à un moment en ayant peur de m’attraper dans les fils barbelés. Des images prises avec un drone permettent aussi une vision plus globale du camp.

C’est une visite guidée qui doit ressembler à celle que l’on fait sur place. Le fait que le camp soit vide ajoute une dimension supplémentaire de solennité. Je me souviens du commentaire de ma fille en revenant d’une visite en Pologne avec l’école, comme la plupart des jeunes israéliens la font en 1ère ou terminale. Elle m’avait dit ne pas avoir ressenti à Auschwitz ce qu’elle pensait y ressentir à cause de la vue des visiteurs, trop nombreux et dont certains pique-niquaient sur les pelouses….

Une expérience que je vous recommande. J’ai visité plusieurs camps de concentration mais je n’ai jamais été à Auschwitz. Ca ne remplace sans doute pas un voyage sur place, mais c’est une opportunité magnifique pour tous ceux qui ne peuvent pas se déplacer.

Voici un extrait du film ( pour une vue à 360 degrés, bougez le téléphone ou cliquez avec la souris sur l’image)

L’histoire du projet

Impressionnée par ce que j’avais vu, j’ai contacté, Miriam Cohen, une des responsables du projet pour en connaitre l’histoire.

Le projet est celui de 3 femmes ultra-orthodoxes : Miriam Cohen, Chani Koplowitz et Yuti Neima. Elles font toutes les trois du cinéma depuis plusieurs années.

Miriam me raconte qu’elle n’a pas fait de voyage en Pologne à l’école. Certaines écoles ultra-orthodoxes ne le proposent pas : problème de budget ( le voyage coûte cher), on évite de sortir d’Israël etc…. Des amies à elle, dans d’autres écoles, l’ont fait et elle en a gardé un regret, une « frustration ».

Il y a quelques années, les trois cinéastes découvrent la réalité virtuelle. Pour elles c’est une technique qui correspond complètement à leur projet de film éducatif sur une visite d’Auschwitz pour ceux qui ne peuvent s’y rendre. Elles contactent les spécialistes mais n’essuient que des refus. La réalité virtuelle n’est, selon eux, pas faite pour de longs documentaires, mais plutôt pour des films courts et d’animation. Elles se décident alors à acheter une caméra et à apprendre toutes seules.

Un autre problème intervient …. le site de Auschwitz est fermé pour cause de Covid et les autorités sur place se méfient de la réalité virtuelle. Mais rien n’arrête leur foi en leur projet. Elles tapent à toutes les portes – Yad Vashem, les ambassades de Pologne en Israël et d’Israël en Pologne, les autorités d’Auschwitz etc… – prient beaucoup et finalement obtiennent la permission de filmer pendant 3 jours dans le camp.

Elles partent avec un caméraman. Pour tous c’est leur première visite à Auschwitz. Miriam a du mal à exprimer ce qu’elle a ressenti quand un matin, un gardien leur a ouvert le portail du camp puis l’a refermé derrière eux. Elle avoue que plusieurs fois durant le tournage elles ont éteint la caméra pensant ne pas pouvoir terminer. Mais ce qui les a modivées était leur but  » donner de la force et de l’espoir aux spectateurs sans leur en prendre ».

Et le pari a été gagné également grâce au guide, le Rav Goldwasser. Il est un spécialiste de la Shoah, un guide et un chercheur. Ses quatre grands-parents ont connu la tourmente de cette époque. Il s’est d’ailleurs inspiré des histoires qu’il entendait petit de la bouche des amis de ses grands-parents.

Plus de 50 000 spectateurs ont déjà vu le film. Généralement, il est montré dans les écoles à travers Israël et est très bien reçu dans tous les milieux, même les plus religieux. Il est sur le point de partir aux Etats-Unis et en Grande Bretagne.

Si vous voulez voir ce film, qui existe en hébreu et en anglais, il devrait être visible durant quelques mois dans les locaux de l’Ascenseur du Temps, en sous-sol du centre commercial fermé de la Mamilla.

Plus d’infos sur le projet : ניצחה הרוח – 360 מעלות באושוויץ (jvr360.co.il)

Pour réserver vos places : מעלית הזמן בירושלים – מופע ואטרקציה רב חושית בירושלים (time-elevator.co.il)

Voici un reportage que la chaine Kahn 11 a consacré à ce projet

Texte : Valérie Cudkowicz – décembre 2022